La gigantesque mission de l’Inde pour nettoyer le fleuve Gange

Aux aurores à Varanasi, l’air sur les berges du Gange se remplit du parfum des corps en train de brûler. Aux marches du ghat Manikarnika – le plus sacré des rivages en escalier de la ville, où les hindous morts sont incinérés – les feux sont déjà allumés, et les endeuillés s’assemblent par centaines pour accompagner leurs proches au moment de la mort. Des bûchers de bois de santal (pour les riches) et de bois de manguier (pour tous les autres) brûlent déjà; sur l’un d’eux, un cadavre enveloppé de blanc est visible dans les flammes. En bas, sur la rivière, où je le regarde depuis un bateau, certaines familles procèdent au lavage rituel de leurs morts, les cadavres enveloppés de linge blanc et ornés de fleurs. Quelques mètres plus loin, un homme d’une autre famille (généralement, l’honneur est conféré au fils aîné) s’avance dans l’eau, jette les cendres d’un parent déjà incinéré afin que le Gange puisse emporter son esprit vers la vie suivante ou même vers la moksha, la fin du cycle de réincarnation, et la transcendance. Les cérémonies funéraires, organisées en contrebas de la vieille ville, sont indéniablement belles; mais on ne peut pas en dire autant de la rivière elle-même. La surface de l’eau est parsemée de cendres; des fleurs de cérémonie flottent dans les remous. Juste en aval, quelques hommes plongent à la recherche de bijoux abandonnés. A moins de 50 mètres en amont, une autre groupe, ayant terminé leurs rites, se baignent dans l’eau sale. Un homme âgé, vêtu de blanc, termine sa baignade en prononçant une bénédiction traditionnelle: il recueille l’eau fétide du Gange dans une main et en boit une gorgée. Le Gange est l’un des bassins fluviaux les plus peuplés au monde, fournissant en eau environ 600 millions de personnes. Mais pour les hindous, c’est plus qu’un cours d’eau: c’est Ma Ganga, la mère rivière, formée – selon le texte sacré Bhagavata Purana – lorsque le seigneur Vishnu a lui-même percé un trou dans l’univers et que l’eau divine a envahi le monde. L’eau du Gange est largement utilisée dans la prière et la cérémonie hindoue; vous pouvez acheter des bouteilles en plastique dans tout le sous-continent – ou en commander une sur Amazon au Royaume-Uni pour aussi peu que 3 livres. Et pourtant, en dépit de son statut sacré, le Gange est l’une des rivières les plus polluées au monde. L’ONU l’a appelée « terriblement polluée ». Avec l’explosion de la population en Inde – en avril 2023, elle dépassera la Chine pour devenir le pays le plus peuplé du monde – des centaines de millions de personnes se sont installées sur les rives inondables du Gange. Le système d’assainissement de l’Inde a eu du mal à suivre. Le Gange est devenu une décharge pour d’innombrables polluants: pesticides toxiques, déchets industriels, plastique, et surtout des billions et des billions de litres d’effluents humains.

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