‘La vengeance du cerveau droit’

Quand j’étais enfant et que je grandissais dans une famille de la classe moyenne au milieu de l’Amérique, dans les années 1970, les parents donnaient souvent les mêmes conseils à leurs enfants : « Obtiens de bonnes notes, va à l’université et trouve-toi un emploi qui te permettra de gagner confortablement ta vie et peut-être même d’acquérir un certain prestige. Si tu es doué en mathématiques et en sciences, fais-toi médecin. Si tu es meilleur en anglais et en histoire, fais-toi avocat. Si le sang te répugne et que tu as besoin de travailler sur tes capacités de communication, fais-toi comptable. »Plus tard, quand les ordinateurs sont apparus sur les bureaux et que les PDG ont commencé à figurer sur les couvertures des magazines, les jeunes qui étaient très doués en mathématiques et en sciences ont choisi le secteur des hautes technologies, tandis que d’autres se sont précipités vers les écoles de commerce, pensant que le succès était égal à un diplôme de MBA. Avocats spécialisés dans les impôts. Radiologistes. Analyseurs financiers. Ingénieurs en logiciels. Le célèbre économiste Peter Drucker a donné à cette nouvelle génération de professionnels un nom perdurant, quoique un peu ennuyeux : les « travailleurs de l’information ». Ce sont, selon ses propres mots, « des gens qui sont payés pour mettre en œuvre ce qu’ils ont appris à l’école, et non pas pour leur force physique ou leur habileté manuelle ». Ce qui distinguait les membres de ce groupe et leur permettait de gagner les plus grandes récompenses de la société, c’était leur « aptitude à acquérir et à mettre en œuvre des connaissances théoriques et analytiques ». Et n’importe qui pouvait faire partie de leurs rangs. Tout ce que nous avions à faire, c’était de bien étudier et de suivre les règles du régime méritocratique. C’était le chemin vers le succès professionnel et personnel. Mais il s’est passé quelque chose de bizarre pendant que nous nous plongions tête baissée dans nos travaux : le monde a changé. L’avenir n’appartient plus aux personnes qui peuvent raisonner avec une logique, une vitesse et une précision comparables à celles d’un ordinateur. Il appartient à une autre sorte de personne, possédant une autre forme d’esprit. Aujourd’hui, au milieu des incertitudes d’une économie qui est passée du boom à la dépression et maintenant à la stagnation, il existe une métaphore qui explique ce qui se passe. Et cette métaphore se trouve juste dans nos têtes. Les scientifiques savent depuis longtemps qu’une ligne imaginaire sépare les deux hémisphères de notre cerveau, le cerveau gauche et le cerveau droit. Mais au cours des 10 dernières années, grâce aux progrès de la tomographie par résonance magnétique fonctionnelle, les chercheurs ont commencé à déterminer de manière plus précise les tâches assignées à chacun des deux hémisphères. Le cerveau gauche s’occupe de la séquence, de la littéralité et de l’analyse. Le cerveau droit, quant à lui, gère le contexte, l’expression des émotions et la synthèse. Bien sûr, le cerveau humain, avec ses 100 milliards de cellules et ses 10^15 connexions, est d’une complexité époustouflante. Les deux hémisphères travaillent de concert et nous faisons appel à tous les deux lorsque nous effectuons pratiquement toutes les tâches. Mais la structure de notre cerveau peut nous aider à comprendre les contours de notre époque. Jusqu’à récemment, les aptitudes qui permettaient de réussir à l’école, au travail et dans les affaires étaient caractéristiques du cerveau gauche. Ce sont les talents linéaires, logiques et analytiques mesurés par le SAT et mis en œuvre par les comptables. Aujourd’hui, ces capacités sont toujours nécessaires, mais elles ne suffisent plus. Dans un monde bouleversé par la sous-traitance, noyé sous les données et étouffé par le choix, les aptitudes qui comptent le plus à présent se rapprochent plus de l’esprit des aptitudes requises par le cerveau droit : l’art, l’empathie, la vision d’ensemble et la poursuite du transcendant.

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