Ce n’est pas seulement les robots : les emplois qualifiés vont vers la « chair à saucisse ».

Harry K. est assis à son bureau à Vancouver, Canada, scannant des tourbillons, des boucles et des taches teintés de sépia sur son écran d’ordinateur. Environ toutes les secondes, il appuie sur sa souris et ajoute un point fluorescent à l’image. Après une minute, une nouvelle image apparaît devant lui. Harry étiquette des images de cellules prélevées sur des cancers du sein. C’est un travail laborieux mais pas difficile, dit-il : « C’est comme jouer à l’Etch A Sketch ou à un jeu vidéo où vous coloriez certains points. » Harry a trouvé le concert sur Crowdflower, une plateforme de travail participatif. Habituellement, cette tâche d’étiquetage de cellules serait effectuée par des pathologistes, qui commencent généralement leur carrière avec des salaires annuels d’environ 200 000 $ – un salaire horaire d’environ 80 $. Harry, en revanche, ne gagne que quatre cents pour annoter un lot de cinq images, ce qui lui prend entre deux et huit minutes. Son salaire horaire est d’environ 60 cents. Certes, Harry ne peut pas réaliser la plupart des tâches du répertoire d’un pathologiste. Mais en 2016 – 11 ans après le lancement de la plateforme de base, Amazon Mechanical Turk – le travail participatif (parfois aussi appelé crowdsourcing) s’immisce dans des emplois de plus en plus qualifiés. Les ingénieurs qui développent ce modèle de travail ont l’ambition audacieuse d’atomiser des carrières entières en micro-tâches que presque n’importe qui, n’importe où dans le monde, peut effectuer en ligne. Ils misent sur l’idée que toute technologie capable de rendre un processus complexe 100 fois moins cher, comme c’est le cas pour Harry, se répandra comme une traînée de poudre. Peut-être est-il inévitable que dans quelques années, le logiciel absorbe aussi ces emplois. Mais alors que la discussion technologique s’est concentrée sur la façon dont l’intelligence artificielle affectera le marché du travail, le travail participatif a discrètement gagné en impact et en envergure.

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