« Anthrax Redux : Les autorités ont-elles arrêté la mauvaise personne ? »

Enfin, l’enquête était terminée. L’énigme résolue. Le 18 août 2008-après près de sept ans, presque 10 000 entretiens et des millions de dollars dépensés pour développer une toute nouvelle forme de microbiologie judiciaire- certains des hauts gradés du FBI sont entrés dans une salle sombre, décorée de drapeaux, au siège social du bureau à Washington, DC. Ils étaient là pour exposer les preuves démontrant qui était responsable des attaques à l’anthrax qui avaient terrifié la nation à l’automne 2001. On a dit aux journalistes rassemblés que cela avait été l’affaire la plus coûteuse, et sans doute la plus difficile de l’histoire du FBI. Mais les faits montraient que le chercheur en biologie de la défense de l’Armée Bruce Ivins était la personne responsable de la mort de cinq personnes et de la maladie de 17 autres au cours de ces semaines effrayantes après le 11 septembre. C’était Ivins, ils en étaient maintenant certains, qui avait envoyé les lettres remplies d’anthrax, exposant jusqu’à 30 000 personnes aux spores mortelles. Le FBI a résolu le mystère, ont dit les responsables, en partie grâce aux microbiologistes assis à une table en forme de U à l’avant de la pièce. Parmi eux se trouvaient Paul Keim, qui a identifié en premier le type d’anthrax utilisé dans les attaques, et la spécialiste génétique Claire Fraser-Liggett, qui a dirigé l’équipe qui a séquencé l’ADN de l’anthrax dans les lettres, retracant les spores jusqu’à leur correspondance génétique : une fiole d’anthrax superconcentré et ultrapur conservée par Ivins. Plusieurs des chercheurs à la table considéraient auparavant Ivins comme un collègue voire un ami. Maintenant, ils l’aidaient à être dépeint comme un monstre. Entre les responsables et les scientifiques, c’était une présentation convaincante. Il le fallait. Ivins s’était suicidé trois semaines auparavant. Il n’y aurait pas d’arrestation, pas de procès, pas de condamnation. En l’absence d’une salle d’audience et d’un verdict pour fournir un sentiment de finalité ou une certaine mesure de catharsis, tout ce que le FBI pouvait faire était de présenter ses conclusions et de déclarer l’affaire classée. Personne ce jour-là n’a exprimé de doute quant à la culpabilité d’Ivins. Mais les choses ne sont pas toujours aussi claires qu’elles peuvent sembler lors d’une présentation du FBI. Deux ans plus tard, assise dans son bureau surplombant l’ouest de Baltimore, Fraser-Liggett avoue avoir des réserves. « Il y a encore des lacunes », dit-elle, regardant par la fenêtre avec gêne. À près de 2 000 kilomètres de là, à Flagstaff, en Arizona, Keim a ses propres préoccupations. « Je ne sais pas si Ivins a envoyé les lettres », dit-il avec une pointe d’irritation et de tristesse. Même l’agent Edward Montooth, qui a dirigé la chasse au tueur à l’anthrax du FBI, admet que- bien qu’il soit toujours convaincu qu’Ivins était l’expéditeur- il est incertain de nombreuses choses, de la motivation d’Ivins au moment où il a conçu les spores mortelles. « Nous avons encore du mal à déterminer le calendrier », dit-il. « Nous ne savons pas quand il a fabriqué ou séché les spores ». En d’autres termes, cela fait 10 ans depuis que l’attaque biologique la plus meurtrière de l’histoire américaine a lancé une chasse à l’homme qui a ruiné la réputation d’un scientifique et a vu un second poussé au suicide, mais des problèmes persistants demeurent. Des problèmes qui ajoutent à une réalité troublante : malgré les assurances du FBI, il n’est pas du tout certain que le gouvernement aurait pu jamais condamner Ivins pour un crime.

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