Espionner les castors de l’espace pourrait aider à sauver la Californie

Pour la première fois en quatre siècles, il est bon d’être un castor. Longtemps persécutés pour leurs peaux et détestés comme des nuisibles, les rongeurs qui construisent des barrages sont aujourd’hui salués par les scientifiques comme des sauveurs écologiques. Leurs mares et leurs zones humides stockent de l’eau en cas de sécheresse, filtrent les pollutants, fournissent un habitat pour les espèces en voie de disparition et luttent contre les incendies de forêt. En Californie, le Castor canadensis est si prisé que l’État vient de s’engager à le restaurer. Si les avantages des castors sont indéniables, notre connaissance demeure cependant lacunaire. Nous ne savons pas combien ils sont, dans quelle direction évoluent leurs populations ni quels bassins versants ont le plus grand besoin d’un apport de castors. Peu d’États les ont passés au crible de manière systématique ; de plus, de nombreuses mares de castors se trouvent dans des ruisseaux éloignés des habitations humaines, où il est pratiquement impossible de les compter. « Il y a tant de choses que nous ne savons pas sur les castors, en partie parce que nous ne disposons d’aucune base de données sur leur répartition », explique Emily Fairfax, une chercheuse sur les castors à l’université du Minnesota. Mais cela commence à changer. Au cours des dernières années, une équipe de scientifiques spécialisés dans les castors et des ingénieurs de Google ont enseigné à un algorithme comment repérer les ouvrages de ces rongeurs sur des images satellites. Leur création a le potentiel de transformer notre compréhension de ces ingénieurs à queue-de-castor – et d’aider les États stressés par le climat comme la Californie à favoriser leur retour. Et si le modèle n’est pas encore public, les chercheurs commencent déjà à saliver à la perspective de ses possibilités. « Tous nos efforts dans l’État devraient profiter de cet outil de cartographie puissant », déclare Kristen Wilson, la principale scientifique des forêts au sein de l’organisation de conservation The Nature Conservancy. « C’est vraiment excitant. » Le modèle de cartographie des castors est l’œuvre d’Eddie Corwin, ancien membre du groupe de durabilité des immeubles de Google. Vers 2018, Corwin a commencé à réfléchir à la manière dont sa société pourrait devenir un meilleur gestionnaire de l’eau, en particulier des nombreux ruisseaux côtiers qui passent devant ses bureaux de la baie d’Alameda. Dans le cadre de ses recherches, Corwin a lu « L’eau : une histoire naturelle », par une auteure nommée Alice Outwater. Un chapitre était consacré aux castors, dont les abondantes zones humides, écrit Outwater, « peuvent contenir des millions de gallons d’eau » et « réduisent les inondations et l’érosion en aval ». Corwin, fasciné, a dévoré d’autres livres et articles sur les castors, et bientôt commencé à faire la promotion de leur cause auprès de son ami Dan Ackerstein, un consultant en durabilité qui travaille avec Google. « Nous sommes tous les deux tombés amoureux des castors », explique Corwin. L’obsession de Corwin pour les castors a rencontré une culture d’entreprise favorable. Les employés de Google sont célèbres pour être encouragés à consacrer du temps à des projets de passion, une politique qui a donné naissance à Gmail ; Corwin a décidé que sa passion était les castors. Mais comment aider au mieux les architectes à bois? Corwin savait que les ouvrages des castors – leurs barrages sinueux, leurs vaste mares et leurs canaux arachnéens – sont souvent si épiques qu’ils peuvent être vus de l’espace. En 2010, un chercheur canadien a découvert le plus long barrage de castors du monde, un barrage de bâtons et de boue qui s’étend sur plus de 800 mètres à travers un parc de l’Alberta en passant par Google Earth. Corwin et Ackerstein ont commencé à se demander s’ils pouvaient contribuer aux recherches sur les castors en formant un algorithme d’apprentissage automatique pour détecter automatiquement les barrages et les mares de castors sur les images satellites – non pas un par un, mais par milliers en même temps, à la surface d’un État entier.

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