Mon intuition est que la plupart des employés du Beverly Hills Hotel connaissent tous les grands noms des stars de cinéma, mais lorsque j’arrive au restaurant de l’hôtel et qu’il y a une confusion concernant la réservation, je me retrouve incapable de prononcer le nom pertinent. Un simple « je suis là pour rencontrer Javier Bardem » clarifierait instantanément les choses, mais le nom-dropping semble… prétentieux? Arrogant, d’une certaine manière? J’attends au bar, inquiet d’avoir gâché l’entretien avant même qu’il ne commence. Je m’attends à ce que Bardem soit intense et exigeant. Après tout, il est terrifiant de jouer des personnages effrayants. Que je suis bête. Lorsque Bardem arrive quelques minutes plus tard, il dément tout ce non-sens de la vie imitant l’art. Si je ressens un quelconque malaise, c’est parce que je suis naïvement surpris de la façon déférente, accommodante dont il se comporte à mon égard. Table ou banquette? À l’intérieur ou à l’extérieur? Chauffage ou pas de chauffage? « S’il vous plaît, comme vous le souhaitez », dit Bardem, avec sa voix de baryton distinctive. Nous finissons par nous retrouver sur le patio ensoleillé mais frisquet, dans une banquette vert menthe sous des lianes de lierre. Sa attachée de presse m’a averti que Bardem n’aime pas parler de sa famille, mais en quelques minutes, il mentionne le récent voyage en Inde de sa femme, pour un documentaire qu’elle tourne. Lorsque je remarque qu’il parle de sa femme comme si je ne savais pas qui elle est, un sourire malicieux illumine son visage. « Eh bien, on ne sait jamais », dit-il. On sait tous qui elle est. (N’est-ce pas? C’est Penelope Cruz.) En personne, Bardem est léger, drôle, joueur avec ses mots et ses expressions. Il utilise des gestes pour compenser les mots anglais qu’il ne trouve pas. Au fur et à mesure que nous discutons, il devient évident qu’il est aussi un homme d’engagement. Cela se voit dans son travail long de décennies, depuis son interprétation initiale de l’auteur cubain Reinaldo Arenas dans Avant la nuit jusqu’à son effrayante et oscarisée performance d’Anton Chigurh dans No Country for Old Men. Bien que son rôle le plus récent – celui de Stilgar, leader tribal fremen dans Dune de Denis Villeneuve : Partie Deux – ne soit pas une star, il a tout de même une présence bardemique. Stilgar n’avait pas beaucoup à faire dans la Partie Un, mais dans la Deux, il est le rythme stable derrière l’ascension messianique de Paul Atreides sur la planète désertique et brûlante d’Arrakis. J’apprends que l’engagement de Bardem ne se limite pas à la comédie – il s’étend jusqu’à notre déjeuner. Je ne sais pas comment le dire autrement, mais cet homme est déterminé à rester assis ici, dans cette banquette, avec moi, à avoir une conversation. Ce n’est pas une intensité, en soi, mais une présence. Ce que certaines personnes appellent la pleine conscience de nos jours. Les yeux de Bardem ne papillonnent pas autour du patio ou ne s’éloignent pas ; ses mains ne cherchent pas distraitement à vérifier son téléphone. Sa concentration est tellement prégnante que nous en oublions que nous sommes dans un restaurant, nous oublions de commander à manger, et à peine nous souvenons-nous de nous hydrater. Il anticipe les questions avant que je puisse les poser. Il sait juste quand raconter une histoire. Ses thèmes préférés semblent être la famille et la foi, et lorsque nous réalisons que nous avons tous deux perdu nos mères, la conversation vire vers le deuil. S’il croit en quelque chose, dit-il, c’est en la capacité des gens à s’entraider et à se guérir.
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