Les bombes pleuvaient sans discontinuer depuis 19 heures sur Gaza. Wajeeh Abu Zarifeh, journaliste et gérant de White Media, une agence de presse, avait passé la première nuit de la guerre à se terrer chez lui, suivant les actualités et essayant de prévoir la couverture de la semaine pour son équipe de 15 journalistes. Ce dimanche matin, en arrivant au bureau de White Media, situé rue Al Wehda, il a constaté que tout l’immeuble avait été bombardé. Des arêtes d’acier sortaient de son flanc, tordues par le choc de l’explosion. Des débris jonchaient la route, soulevant des nuages de poussière. Des liasses de papiers de bureau étaient éparpillées sur le sol. « Nous avons tout perdu », explique Zarifeh. « Gilets pare-balles. Système de sonorisation. Internet. Ordinateurs portables. Ordinateurs. Tout ce que nous avions. Nous l’avons perdu en une minute. » Mais quelque part dans les décombres, il y avait un rayon de bonheur : aucun de ses collaborateurs n’était là quand l’immeuble a été bombardé. Leurs caméras non plus. Depuis le début du conflit israélo-palestinien le 7 octobre, au moins 24 journalistes ont été tués, selon le Comité pour la protection des journalistes. L’ONG estime que c’est plus que dans toutes les guerres précédentes à Gaza depuis 2001. Plus de 5 000 personnes y ont été tuées depuis le début du conflit. Les services sociaux s’effondrent, et de nombreux acteurs du secteur humanitaire craignent une catastrophe imminente. C’est dans de telles circonstances que le journalisme est le plus nécessaire. Faute de journalistes internationaux pouvant entrer à Gaza, c’est aux journalistes locaux palestiniens que revient la responsabilité de couvrir les événements. Ils doivent travailler dans le noir, sans accès à internet, avec des shortages de nourriture et d’eau, et dans la constante peur de mourir. La plupart ont dû quitter leur domicile. Beaucoup ont perdu des proches. Et certains ont été directement ciblés à cause de leur travail. Mais nombre de journalistes à Gaza ont continué à travailler malgré ces pressions, trouvant des moyens de rester en ligne et de maintenir l’information en circulation. Et pour Zarifeh – qui vit à Gaza depuis 55 ans et en couvre les conflits depuis 30 ans -, la destruction du bureau de White Media ne l’a pas découragé.
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